Récits de courses

ANNAPURNA MANDALA TRAIL 2004
Récit icon Récit Publié le 02/08/2005
Népal, le royaume des sentiers sacrés.


De nouveau le départ pour le Népal, toujours l'appréhension de savoir qui va venir comme coureur, si l'ambiance sera bonne lors des étapes, la séparation avec les proches toujours douloureuse sur le moment mais une fois que l'on revoit les compagnons de bien des aventures tout s'efface, je pense qu'il faut être sincère pour cela, mais c'est mon opinion personnelle. Donc tout se joue à l'aéroport, la distribution des billets, la connaissance des coureurs et puis le départ.
Atterrissage à Katmandou, l'incontournable ville royale, havre obligé pour tous ceux qui vont au Népal gravir les montagnes réelles et irréelles. On sort de l'aéroport en passant un barrage militaire puis là on entre dans le flot de la circulation qui s'épaissit et les klaxons font leur entrée. Par contre, la route est jonchée de cendres et de restant de souches et branches calcinées, signes d'émeute dû surtout à l'instabilité politique de cette royauté.
Népal, petit royaume himalayen, terre d'accueil où l'hospitalité et le sourire gardent toute leur signification, berceau du Bouddhisme, symbole de tolérance et de sagesse mais malgré cela le peuple Népalais est l'un des plus démunis et l'un des dix plus pauvres au monde.

On arrive à l'hôtel pour apprendre que vu les problèmes d'instabilité politique et les grèves, on doit prendre la route (8h de bus) dès le lendemain pour la ville de Pokhara mais on sera aussi sujet à des problèmes avec les maoïstes et on reprendra la route (encore 8h de bus) très tôt le lendemain pour le départ à Besi Sahar. Besi Sahar, ce village est la fin de la route après c'est une piste puis les sentiers. Ce sera ces sentiers qui guideront nos foulées au fil du tour des Annapurnas.

Lors de cette édition de l'Annapurna Mandala V, le rêve de tout organisateur de trail se réalise ici au Népal, cet événement est le face à face entre deux grandes dames de la course en trail : Karine Herry et Corinne Favre.

Le départ se fait dans la bonne humeur malgré les heures de bus dans les jambes, cette première étape sera marquée surtout par la chaleur entre 37°C et 40°C, problème de déshydratation, insolation.
Nous courons dans un décor merveilleux, tout autour de nous, les montagnes sont façonnées de jardins suspendus aux flancs de ses reliefs, il y a parfois des mariages réunis entre un peuple et son terroir. Au gré du vent les tiges de riz se balancent dans un calme et lent mouvement, c'est la main de l'homme qui a créé ce beau tableau et cette fresque constitue une idée de ce que le rôle de l'être humain peut faire de positif sur son milieu.
On arrive tous plus ou moins marqués de cette étape très chaude et nos deux championnes ont déjà engagé les hostilités, Corinne termine devant sur cette première étape et Karine prendra sa revanche le deuxième étape pour quelques poignées de secondes et elles se retrouveront 6ème et 7ème au général.
Lors de la deuxième étape, l'organisation instaure deux départs par rapport au classement des coureurs, le premier départ se fera donc en partant de la 21ème place dans le but que les coureurs se croisent, de réduire les écarts pour les arrivées des coureurs et de limiter les risques en terme de sécurité. Les coureurs du deuxième départ en croisant les coureurs du 1er groupe ont toujours un mot, un geste amical dans le véritable esprit de la course "nature". On traverse une vallée de type glaciaire unique au Népal où on court sur une longue plage de sable. On finit par une longue forêt de conifère avant d'arrivée au village de Chame. Il a fait à nouveau très chaud, en consommation lors de l'étape j'en suis à 2 litres d'eau mélangé avec du CarbuSynergie de chez CarbuForm pour l'appoint en minéraux que j'alterne avec 2 litres d'eau de source traité avec du micropur et après chaque étape, je prends un repas composé de riz et légume avec un complément d'hydrates de carbone de chez CarbuForm au goût Framboise.
Au fil de mes périples, après avoir perdu trop de poids et après quelques problèmes de récupération lors de mes premiers raids, j'ai compris l'intérêt de ses compléments lors de mes gestion de course car même si musculairement parlant on est bien, la machine déraille juste à cause d'une mauvaise gestion alimentaire surtout sur cette édition qui sera très éprouvante de part le dénivelé positif et négatif et la météo caniculaire.

Jour 3, toujours un départ décalé en deux groupes de coureurs. On traverse quelques villages puis on prend à un moment un sentier taillé dans la roche au dessus d'un torrent du nom de Marsyangdi River avant de le traverser par un pont suspendu pour montée au plateau de Pisang. Je suis avec Philippe Boyer, compagnon de bien des aventures via le Népal, on se dirige vers le village d'Upper Pisang où un point de contrôle nous attend, on croise Dolma, une des deux coureuses Népalaises qui se plaint de douleurs intestinales, on reste quelques minutes avec elle pour la réconforter et on repart sur le point de contrôle.
Sortie du village, on prend la direction du village de Ghyaru situé comme un nid d'aigle à 3700 mètres après une montée en lacet très longue, éprouvante et toujours caniculaire.
Le village de Ghyaru est vraiment typique d'un village montagnard, les maisons sont entièrement en pierre avec un toit plat comme une terrasse qui serre à faire sécher le bois et aussi à mettre les chèvres. Quand on arrive dans Ghyaru, toute la population nous attend au point de contrôle et quelques coureurs sont là, soufflant avant de repartir pour la vallée de Manang.
Philippe et moi repartons, tout en regardant si l'Annapurna 4 veut bien nous montrer son sommet mais une masse nuageuse reste dessus, tant pis.
Nous arrivons enfin à Manang en passant une haute vallée très aride qui ressemble à notre sud de la France puis le village de Braga avec son monastère Bouddhiste Braga Gompa le tout dominé par la masse glaciaire de la chaîne des Annapurnas.
Cette étape aura été difficile de par le fait que les organismes on été mis à rude épreuve de par cette étape longue mais surtout de part l'altitude. Il n'y aura pas de changement majeur, à part Corinne Favre qui prend la mesure devant Karine Herry.

Jour 4, jour de repos à Manang et test médical dont l'incontournable contrôle de la saturation en oxygène dans le sang, pas de problème majeur. Pour la première fois un Marathon est organisé à Manang et aujourd'hui 31 enfants participerons à une course en ouverture de ce Marathon que nous ferons le lendemain. La journée ce termine dans la bonne humeur avec un concours de tir à la corde, les coureurs contre les villageois puis contre les Népalais de l'organisation.

Jour 5 Manang – Manang, soit le 1er Marathon de Manang (38 km & 1300 m en positif), pour cette première édition peu de coureurs extérieurs avaient fait le déplacement seulement 5 népalais et un coureur anglais John Power qui finira 17ème .

Jour 6, ce dimanche, la cinquième étape nous conduit de Manang au pied du Thorong à 4420 m en passant par le monastère au-dessus du village de Khangsar. Etape courte dans les grande lignes mais les symptômes du mal d'altitude vont commencer, la respiration devient courte, le sang tape dans les tempes. Tout le monde arriva dans de bonne condition malgré cette chaleur écrasante qui nous suit depuis le début. Le soir venu, après un contrôle médical en bonne et due forme : saturation et pulsation et un bon repas, l'ambiance est détendu, Jean-marc Malsac, personnage très attachant de part ses convictions sur la vie actuelle, nous fait part à un bœuf musical avec une guitare qui sera repris par les Népalais, nous finissons la soirée à chanter diverses chansons et nous sommes à 4420 m.

Le lendemain, beaucoup ont mal dormi du fait de l'altitude mais surtout par anxiété. Avec Philippe Boyer, je me lève à 2 h 45 mn du mat car nous devons monter en premier au col du Thorong Pass à 5416 m pour faire le contrôle de la saturation et prendre le temps de départ des coureurs du col. Nous montons tranquillement vers le col en nous éloignant des lumières scintillantes de Thorong Phedi, j'ai l'impression de rentrer dans une autre dimension, un calme plat, la forme noir des sommets éclairés par la lune, de plus cette année la neige est absente, la température sera approximativement de –10°C pour un bon –27°C l'année dernière. Juste avant d'arrivée au col, je fais une halte car le soleil se lève doucement, on a l'impression qu'un voile rosé couvre au fur et à mesure les formes noires des sommets, c'est un spectacle magnifique. Après s'être installé dans une cabane au Thorong Pass tenue par deux jeunes Népalais qui reste là toute la saison de trek et vivent de ventes diverses qu'ils proposent au trekkeur de passage, nous voyons arriver les coureurs un par un ou en groupe, et à part quelques problèmes dû plus à l'appréhension de l'altitude qu'à des problèmes majeurs tout va bien et les coureurs après quelques photos souvenir repartent direction le village de Marpha après avoir entamés une descente d'environ 2600 m.
Une fois que tout le monde a été contrôlé, les coureurs comme les marcheurs (qui nous avaient rejoint à Thorong Phedi), avec Philippe, nous nous élançons dans une descente vertigineuse.
L'arrivée dans la Kali Gandaki après avoir passé le col du Thorong est toujours un moment très fort car on descend au travers de village à 3000 m comme Muktinath ou Jarkhot qui veille sur la haute vallée de la Jhang Khola. La récompense de cette descente est une vue à couper le souffle et une découverte rare d'un façonnage géologique très curieux de couleur ocre avant d'arrivée sur le village de Kagebeni qui est au porte du Mustang, véritable oasis en cette saison. Les jardins de couleur vert contrastent avec la couleur ocre environnante, nous arrivons en même temps qu'un groupe composé de Magali, Fabien, Philippe et Nging Doma.
Mais il y a un point négatif en arrivant dans le lit de la Kali Gandaki vers 10 h, c'est un vent à décorner un yack qui nous attend dans cette vallée entouré de deux géants himalayens, les Annapurnas et le Dhaulagiri. Nous finissons cette étape qui fut très éprouvante surtout à cause de ce vent qui nous cinglait (il y avait même par moment de mini tornades de sable qui se formaient), mais aussi le fait de courir sur des galets. Quand nous arrivons à Marpha, les coureurs déjà arrivés regarde Philippe comme un fantôme, en fait c'est un fantôme car en descendant le col, s'étant mis une protection solaire sur le visage et avec le vent, le sable, il est arrivé avec un visage entièrement gris. Enfin une bonne douche chaude et un bon repas composé de riz, pomme de terre et poulet. Corinne et Karine ont fait encore une étape dantesque mais Corinne n'est pas bien dû fait d'un problème d'asthme et n'arrête pas de tousser.
Départ le lendemain matin, toujours en deux groupes, le moral est au beau fixe, nous traversons le village de Marpha pour rejoindre le lit de la Kali Gandaki.
Je suis derrière le groupe des deux filles, on coure à une bonne allure et par un moment j'aperçois des ponts en bois au dessus de la rivière. J'opte pour l'option de couper la Kali Gandaki par là mais ce sera le mauvais choix car je me retrouve à traverser presque à la nage le cours de la rivière pour me retrouver en dernière position. Mais, je remonte à nouveau pour rejoindre Philippe Boyer avec qui je ferais l'étape.
Nous sommes du coté gauche de la Kali Gandaki et à droite j'aperçois un groupe de coureur qui s'avère être le groupe avec Corinne et Karine. A un moment nous passons sur un chemin en hauteur et en contre-bas dans le lit de la Kali Gandaki, je vois Corinne qui même en tête du groupe, très impressionnant !!.
Nous passons dans des villages reliés par des sentiers magnifiques, superbement dallés, avant de quitter cette vallée de la Kali Gandaki pour nous retrouver sur un flanc entre deux montagnes. A un moment, nous arrivons à un point de contrôle militaire mis en place juste avant un pont suspendu avant d'arriver au village de Talbagar. Les militaires nous regardent passer sans nous demander quoi que se soit, ils sont assez détendu malgré les problèmes maoïstes de la région. Nous enchaînons plusieurs descentes très pentues où je prend plaisir à descendre très vite en croisant Jean-Marc M aguères et Guy Genovesi avant d'arriver enfin avec Philippe au village de Dana.
Départ de Dana pour l'avant dernière étape qui aura pour final l'éprouvante montée à Poon Hill. Je pars en retrait comme d'habitude mais aussi surtout parce que je connais le parcours qui va être très dur, on montera d'environ 2200 mètres en positif. Je rattrape la plupart des coureurs au bout de 1 heure et demi de montée dont Frédérique Cantin avec qui je finirais cette étape. L'arrivée à Poon Hill est superbe mais les cimes des géants de cette terre sont enveloppées par un cordon nuageux, nous ne verrons pas le Dhaulagiri ni la chaîne des Annapurnas dommage mais c'est comme ça, dame nature n'avait pas envie de dévoiler ses merveilles ce jour là.
Accompagné de Corinne Favre et Bruno Poirier, ensemble nous ferons une cérémonie en mémoire à un coureur de trail décédé brusquement et père d'un ami (Guillaume Dentella), nous placerons chacun un drapeau à prière avec une signification particulière, symbole de la vie dans le monde Bouddhiste.
Nous redescendons tous au fur et à mesure, en croisant et surtout en encourageant les derniers coureurs qui montent à Poon Hill. Retour au lodge et après une bonne douche brûlante, nous commandons à manger, les pauvres cuisiniers du lodge sont complètement dépassés par les commandes effectuées, certains de nous serons obligés d'aller manger dans un autre lodge.
Dernière étape, Ghorepani – Damphus. Nous partons tous en sachant que c'est la dernière étape, un groupe part très rapidement devant mais moi, je préfère rester en retrait pour m'imprégner de ce fabuleux paysage car on distingue le Dhaulagiri derrière nous de couleur blanc presque transparent comme un fantôme.
Nous montons et descendons dans un décor qui ressemble aux cirques de l'île de la réunion, la forêt est très dense voir tropicale.
Sortie de cette forêt après environ 2 heures de course, j'arrive avec Éric (que j'ai rejoint dans les descentes en forêt) sur le haut du village de Ghandrung où une descente très longue faite de dalles nous attends. Devant nous, un spectacle fabuleux s'offre à nous, sur les montagnes en face de nous, s'étalent des jardins suspendus avec des villages où la fumée du foyer du matin reste en suspension au dessus, on aperçoit les villageois qui sont déjà très actifs dans ces jardins où les couleurs passent par le vert foncé au jaune suivant les cultures.
Nous descendons à bonne allure sur ce dallage et en arrivant en bas pour longer la rivière Modi Khola, j'ai l'impression que mes cuisses sont descendus dans les mollets tellement la descente était longue. Nous longeons cette rivière pour la traversée au village de Birethanti et grimper au village de Chandrakot où nous reprenons Frédéric. Tous les trois, nous arrivons à Damphus qui est le final en nous alternant dans la dernière montée.
Je retrouve Karine et Corinne exténuées surtout Karine car elle aura tout donné dans cette dernière étape pour revenir de 17 minutes à 4 minutes derrière Corinne, cette course sera mémorable mais surtout inoubliable pour ces deux femmes mais aussi pour tous car au delà de la course en elle même, ne revient-on pas marqué à tout jamais par ce pays et sa magie.
Je tiens à souligner que sur cette course, est avant toute chose une aventure intérieure autant qu'une aventure extérieure. Pour tous, c'est une question de motivation, de richesse intérieure supplémentaire car au-delà du chronomètre, c'est l'amour de la nature, des grands espaces et la découverte de nouvelles contrées qui nous font vivre notre passion.