Récits de courses

EVEREST SKY RACE 2003
Récit icon Récit Publié le 01/08/2005
L'aventure a commencé sur un contact, une rencontre en 1999 et ma vie de coureur a été complètement bouleversé, Depuis cette rencontre, j’ai fait 3 fois l'Annapurna Mandala Trail et l'unique édition de l'Himal Race. C'est à cette personne que je rend hommage.
Himalayas, longue de trois mille kilomètres depuis les monts du Karakoram pakistanais jusqu'aux hauts plateaux tibétains, déroulant des paysages extraordinaires, des vallées parfois inaccessibles, invariablement dominées par le géant de la terre : l'EVEREST, qui n'en peut plus de s'élever chaque année de quelques centimètres.

Le départ de l'aéroport de Roissy à Paris est toujours source d'émotion, émotion de quitter ces proches mais aussi de retrouver des amis de courses chers à notre cœur que l'on ne voit qu'une fois par an voir deux mais avec qui on a tissé une toile d'amitié très forte lors de moment de galère. Donc grandes retrouvailles, discussions des courses faîtes dans l'année voir même des projets de certains, le "train-train" quotidien des coureurs au long cours !.
L'arrivée au Népal se fait sans souci, les gens de l'organisation viennent nous accueillir à la sortie de l'aéroport. Le temps de rassembler tous le monde et on est parti vers notre hôtel pour voir les autres concurrents qui sont venus une semaine avant pour s'acclimater à l'altitude en faisant un petit trek. Le temps de prendre les consignes concernant le jour avant course, on va faire un petit tour dans Kathmandu au milieu de la circulation dense, triporteurs, camions et au milieu, des vaches maigres qui broutent des cartons de poubelles, ça klaxonne dans tous les coins, les voitures, les motos se frôlent puis retour à l'hôtel pour un sommeil bien mérité.

Le lendemain, quartier libre jusqu'à 17 h puis contrôle des sacs avec le matériel obligatoire et check up médical de chaque concurrent avec saturation d'oxygène dans le sang et prise de la masse graisseuse fait avec un appareil spécial que le médecin de la course a emmené avec elle de France. Le soir, on peaufine le sac dans les chambres car on partira 10 jours sans revenir à Kathmandu.
L'envol avec un petit avion pour Lukla est très matinal, décollage vers 9 heures après que la brume soit dissipée à Kathmandu pour un atterrissage monumental sur la piste de Lukla qui est à flanc de montagne. Les premiers frissons me parcourent en voyant toute la chaîne Himalayenne et tout ce maillage phénoménal de sentiers sur les montagnes que l'on survole avant l'atterrissage.

Le départ est donné après une cérémonie faite avec le chef de la police de Lukla avec remise de Katak (écharpe blanche offerte en signe d'amitié et de respect). On attaque par une descente de 30 mn très technique, où les coureurs descendent comme des fous. Le parcours est très cassant avec beaucoup de relance, bienvenu au Népal.
On croise les porteurs venant chercher les marchandises des avions atterrissant à Lukla qui est le seul moyen rapide de rallier la région de l'Everest. Il y a de tout : gamelles, œufs, poulets, bières, soda, quartier de bœuf, etc..

Au fil des étapes, on traversera des déserts d'altitudes où flottent au vent ces carrés de tissu colorés accrochés en longues banderoles dans les lieux sacrés, près des "Stupas"ou sur les cols. On se rapproche de l'un des géants de la terre lors de la 4 ème étape car on monte au camp de base de l'Amadablan à 4700 mètres. La montée est dure mais le spectacle de la nature est au rendez-vous, face à moi à environ une cinquantaine de mètres, j'aperçois un couple de chamois avec leur petit qui nous observent paisiblement puis disparaissent comme par enchantement, heureusement pour moi d'autres coureurs les ont vu aussi. Le camp de base de l'Amadablan est un plateau vert où un campement est établi et quelques yacks flânent par ci, par là, en broutant. Face à moi le géant Amadablan s'élève paisiblement vers le ciel, j'éprouve un profond respect pour ces alpinistes conquérants de l'inutiles et une larme coule sur mon visage.
Au final de cette étape à Phériche, un des coureurs étant sujet au MAM (le mal des montagnes) devra être évacué le lendemain par hélicoptère. Il arriva à bout de force accompagné par le coureur secouriste avant d'être pris en main par le médecin de la course et un passage obligé dans le caisson de décompression. Cela nous remet en cause, la montagne est sans pitié pour nous et le pire ennemi du coureur est le mal des montagnes. L'organisation décide du lendemain comme journée de repos, les coureurs on été refroidi par cette intermède inattendu de voir leur compagnon de route dans le caisson.

Le camp de base de l'Everest 5370 m et le Kala Pattar 5545 m sera l'étape la plus marquante pour moi car j'avais promis à mon ami Alain Conscience de la faire avec lui. Nous partîmes par deux groupes, les moins rapides en premiers et le deuxième composé des plus rapide une heure après. Donc Alain étant dans le premier groupe, il fallait que je le reprenne avant l'entrée dans le camp base de l'Everest tout en gérant ma course en altitude. Ma tête tape un peu en arrivant au point de contrôle de Gorakshep avant l'intersection entre le camp de base de l'Everest et le Kala Pattar. Le secouriste me contrôle la saturation d'oxygène et me dit que je peux continuer (l'organisation à mis en place une barrière horaire et physique pour les coureurs) et je réussi à rattraper Alain qui est accompagné de René "le Dinosaure". Je prends les devants et nous voilà parti dans les méandres du monstre. On avance sur un sentier qui surplombe le glacier de l'Everest, on assiste même à une avalanche sur le géant Nuptse qui semble protéger Sagarmatha (nom Népalais de l'Everest), descente dans le glacier pour rechercher le camp de base de l'Everest et au bout de peut-être 1h30 on arrive au camp de base au pied de la langue du glacier qui monte sur l'Everest, séance photos incontournable et on disparaît comme des fantômes dans les méandres du glacier à la recherche du sentier de retour symbolisé par des petits cairn. On repart dans un vent glacial et puissant à décorner un yack, comme si la déesse de la terre nous punissait de l'avoir dérangée.
Nous arrivons au pied du Kala Pattar, montagne noire imposante dont le point à rallier est à 5545 m. Je prends mes bâtons et m'élance dans une montée très rude où l'on fait face à soit même, où l'on se remémore sa vie, ses proches, où l'on puise au plus profond de soi pour arriver en haut de cette montagne que l'on haït sur le moment et que l'on aime lorsque arrivé au sommet, elle nous livre face à nous, le plus grand géant de la terre : l'EVEREST, Chomolungma "la déesse mère du monde" pour les Tibétain et Sagarmatha "dont la tête touche le ciel" pour les Népalais. Peu de mots à cet instant, chacun contemple, chacun rêve comme étourdi par la beauté. On reste donc béat devant ce monstre sacrée, une citation de G. Mallory : "Comme un prodigieux croc blanc dans la mâchoire du monde l'Everest apparut." mais le froid aidant, on ne traîne pas et on attaque une longue descente vers le point de contrôle puis on attaque les méandres de la moraine longeant le glacier de l'Everest qui comprend une multitude de montée et de descente jusqu'au village de Lobuche ancien haut lieu d'alpage d'été pour les yacks puis on redescend dans une plaine de tourbe où règne les genévrier nains pour ce retrouver au village de Phériche.
Il ne reste plus qu'Alain avec moi car j'ai forcé un peu l'allure, la nuit arrive à grand pas. On sera rejoins par mon ami Babu coureur Népalais mais cette fois là il fait parti du staff Népalais et nous guide la nuit tombé jusqu'à Phériche. Cette journée à été très éprouvante pour tous les coureurs et a laissé des traces sur les organismes. On le voit très bien en arrivant au Lodge, les coureurs sont amorphes et ne parlent pas beaucoup dans cette grande pièce vitrée où ronfle un poêle chargé de copeaux de bois et de bouse sèche. L' organisation décide de laisser tout le monde au repos à Phériche le lendemain.

On attaque le surlendemain par un départ groupé de bonne heure car l'étape va être très dure, on doit passer le Chola la à 5420 m puis un sommet sans nom à 5000 m avant de traversé le long glacier Ngozumba pour entré dans la vallée de Gokyo avec une arrivée au sommet du Gokyo Peak (5450 m), montagne brune majestueuse avec à ces pieds le lac Thonak Tso magnifique de couleur vert émeraude. Avant la montée, je rattrape Anthony un coureur Népalais qui prend ma roue et nous faisons l'ascension de cette montagne ensemble. Cette montée ne me semble pas difficile, je monte tranquillement et profite de cette vue imprenable à 360° au sommet avec en prime le géant Cho Oyu (8153 m). La descente se fait assez rapidement en compagnie de plusieurs autres coureurs jusqu'au village de Gokyo sur la rive du lac Thonak Tso. Ce soir est particulier certains sont arrivés de nuit et il n'y eu que 16 personnes qui ont pu passer toutes les barrières horaires et physiques au Gokyo ri. lors de la montée du Cho la, plusieurs coureurs ont été contraint de faire demi-tour par eux même et d'autres par l'organisation pour des raison de sécurité, un coureur venant de faire un MAM assez grave a été redescendu par plusieurs coureurs en sacrifiant leur course, c'est là que l'on voie que le monde du trail a un vrai état d'esprit où l'on a encore une charte d'entraide entre nous car le but premier de ces courses extrêmes est que tout le monde arrive. La victoire, la vraie est celle faîte sur soi même. Les coureurs n'ayant pu passer le Cho la, ferons le tour par Namché Bazar pour nous rejoindre le village de Thame pour la dernière étape.

Après une bonne nuit réparatrice et un bon petit déjeuner (porridge, toast grillé avec confiture, miel et un œuf dur), le départ s'annonce de bonne augure, les coureurs présent se sont bien reposés et l'organisation nous a annoncé que la montée vers le col du Ranjo la se fera en marche de liaison pour toujours des raison de sécurité.
La montée se fait en longeant le lac Thonak Tso avec un regard sur une plage de sable sillonné de source descendant les flancs de la montagne pour venir mourir dans le lac, les couleurs intenses du matin nous réchauffent car en approchant du col Ranjo la commence un monde minéral, pur mais stérile, dominé par le roc et la glace. Moins d'air dans les poumons, le sang tape dans les veines, la pente s'élève et l'altitude se joue de nous, dans nos pas titubant pour certains, seules faiblesses dans ce monde minéral qui feront de ce passage le moment le plus intense de ce périple en himalaya. Le basculement de l'autre coté ne sera pas sans difficulté pour certains car après une dure montée se trouve une descente technique et dangereuse pour celui qui ne sera pas très "frais". Un lac d'un vert profond nous attend de l'autre coté comme une épure au milieu de ce monde hostile. Les coureurs se regroupent pour descendre au fur et à mesure dans un pierrier très pentu puis dans un enchevêtrement de pierre et de glace pour finir vers les restes d'une habitation faite de pierre au bord du lac.
Pour le départ, chaque coureur prend son heure de départ pour le dire à l'arrivée à l'organisation, le tout est basé sur la confiance du coureur. Cette avant-dernière étape sera roulante après une descente assez rapide, on longera la rivière Bhotekoshi en croisant des caravanes de yacks qui remontent du marché tibétain au village de Namché Bazar pour se fixer dans un campement avant le col du Nangpa la pour passer au Tibet (chine), en les croisant, ces gens toujours très rigolard de nous voir courir et surtout ils essaient toujours de nous vendre quelques babioles chinoises.
Tous les villages traversés sont fermés, les gens les ont déserté, le froid va bientôt s'installer dans cette région. Dans ce désert, je rencontre une seule personne sur une piste sablonneuse, c'est une jeune fille, pieds nus, vêtu de haillon, qui transporte du matériels divers dans une hotte en osier porté à la méthode Sherpas c'est à dire que le soutien de la charge est faite par une bande de tissu au niveau du front. Je m'arrête quelques secondes pour lui demander confirmation de ma route et au moment où je vais repartir, elle me tend une pomme de terre cuite sortie d'une de ses poches. Je reste pantois sur le moment de ce geste, et je me dis que ce serait plutôt à moi de lui offrir quelque chose. N'ayant plus que des gels dans mon sac, je lui offre un stick à lèvre, ce qui est bien peu de chose. Elle me regarde comme si je lui avais donné un trésor et me tends en échange de nouveau une pomme de terre que j'accepte et la remercie mille fois. Jusqu'à la fin de l'étape, je ne vais pas arrêter de penser à cette rencontre qui fait partie de l'alchimie du Népal.

Ce soir là, après un bon repas préparé par l'organisation, les guides, les cuisiniers, les contrôleurs népalais se lâchent, au menu : danse et chant népalais, on sent que la course est bientôt finie pour tous.
Matin de la dernière étape, un vent chaud souffle comme pour nous accueillir, les coureurs s'apprêtent à cette ultime étape. Un bon nombre va la finir tranquillement pour s'imprégner de ce lointain pays miroir de bien des imaginaires. L'arrivée à Lukla ce fait avec une remise de Katak avec une ambiance de kermesse, devant les enfants de l'école de Lukla et tout le village.
Le lendemain, une douloureuse séparation avant de s'envoler pour la remise des trophées à Kathmandu car sept coureurs partaient pour la direction du Méra peak (6474 m) et 3 coureurs Népalais dont le vainqueur Sumba Sherpas ont repris le sentier de Gorakshep pour disputer le Marathon de l'Everest entre Gorakshep et Namché Bazar.

De l'Everest Sky race 03, ultime édition mise en place par l'organisation Himalaya's Racer et Base Camp Voyage pour le cinquantenaire de la première ascension de l'Everest établi par Edmund Hillary et le sherpa Tensing Norgay Sherpa, de ce challenge aux itinéraires les plus engagés, aucun coureur ne reviendra réellement"indemne", car les sentiers du Népal sont toujours le fil d'étonnantes, d'étranges et magnifiques alchimies. Ici le ciel des coureurs n'aura jamais été aussi proche.

Les étapes

Etape 1 : Lukla - Monjo (17 km, +930, -930)
Etape 2 : Monjo - Namche (18 km, +1245m, -635 m)
Etape 3 : Namche – Pangboche (19 km, +1550 m, -1050 m)
Etape 4 : Pangboche - Pheriche (16 km, +1000m, -650 m)
Etape 5: Pheriche – Chhukung La (5500 m) - Pheriche (15 km, +850 m, -850 m)
Etape 6 : Pheriche – Everest Base Camp – Kalapathar – Pheriche (40km, +1750 m, -1750 m)
Etape 7 : Pheriche – Gokyo Village (30 km, +2120 m, -1680 m) + 30 minutes de marche
Etape 8 : Gokyo Village - Thame (21.5 km, +790 m, -1655 m) + 3 h 30 de marche de liaison
Etape 9 : Thame - Lukla (30 km, +1000 m, -1960 m)

Classement final

1 – Sumba Sherpa - 31 h 46' 22"
2 – Pascal Beaury – 34 h 48' 02"
3 – Pemba Sherpa – 35 h 11' 46"
4 – Kumar Limbu – 36 h 00' 16"
5 – Bruno Poirier – 38 h 02' 23"
6 – Xiril Alvarez – 40 h 08' 20"
7 – Bruno Durand – 40 h 25' 39"
8 – Marko Etxezahrreta – 40 h 53' 17"
9 - Corinne Favre – 41 h 00' 35"(1ere femme)
10 – Mahendra Dangol – 43 h 08' 29"
11 – Christian Byresse – 43 h 46' 12"
12 – Yves Detry – 43 h 49' 07"
13 – Pascale Fouques – 44 h 05' 25"(2ième femme)
14 – Emmanuel Villeneuve – 44 h 26' 16"
15 – Anthony Amatya – 45 h 10' 30"
16 – Guillaume Dentella – 45 h 33' 17"
17ex – Pascal Chevroton – 46 h 35' 46"
17ex – Aldo Callsen - 46 h 35' 46"
19 – Gilles Greffier – 47 h 39' 56"
20 – Frederic Busnel – 48 h 16' 51"
21 – Jean-Marc Wojcik – 48 h 35' 41"
22 – Alain Dauch – 51 h 33' 08"
23 – Marc Perier – 51 h 42' 08"
24 – Erick Henrio – 52 h 28' 36"
25 – Dinesh Sanba – 53 h 03' 41"
26 – Alain Jimenez – 54 h 12' 34"
27 – Yvonne Radondy – 55 h 07' 00"(3ième femme)
28 – Alain Conscience – 57 h 16' 04"
29 – Rene Heintz – 58 h 34' 32"
30 – Amerigo Puntelli – 58 h 44' 34"
31 – Luc Grajwoda – 61 h 54' 31"
32 – Gilles Rostollan – 62 h 40' 50"
33 – Philippe Jost – 62 h 49' 11"
34 – Jacques Taxil – 62 h 55' 16"
35 – Francis Beauvallet – 65 h 13' 16"
36 – Michel Kayser – 65 h 53' 15"
37 – Denis Gruber – 67 h 47' 22"
38 – Christian Taques – 71 h 03' 30"
39 – Christophe Midelet – 72 h 31' 33"
40 – Hubert Marbach – 73 h 12' 42"
41 – Jean –Jacques Mangeney – 74 h 02' 04"
42 – Alain Blactot – 74 h 39' 52"
43 – Maryse Dupre – 75 h 39' 32"
44 - Jacques Lagarrigue – 76 h 12' 07"
45 – Eric Javet (abandon a Pheriche)